Retour au blogue | 17 décembre 2021 | Alexandre Morin Bernard | Ingénieur forestier

Un outil innovant pour les meilleures pratiques de construction

Le secteur du bâtiment génère une part importante des émissions de gaz à effet de serre de nos sociétés. On réalise depuis longtemps l’importance de maximiser l’efficacité énergétique des constructions, de façon à diminuer l’énergie requise pour l’opération des bâtiments, notamment pour le chauffage et la climatisation.  Au Québec, l’énergie consommée par nos bâtiments provient en grande partie d’une source renouvelable et moins émettrice de GES: l’hydroélectricité. Une efficacité énergétique accrue entraîne certes des bénéfices environnementaux, mais aussi des économies substantielles. Ce n’est que beaucoup plus récemment qu’on a commencé à considérer aussi l’empreinte écologique des matériaux de construction utilisés. À l’échelle planétaire, cet impact est généralement moindre que celui de l’énergie d’opération. Toutefois, en raison du faible impact carbone de notre source d’électricité, la situation du Québec est particulière. Puisque l’impact de l’énergie d’opération est moindre, une grande part de l’empreinte écologique des bâtiments québécois est due au processus de fabrication des matériaux de construction. Ce faisant, le choix de ces matériaux est encore plus important ici qu’ailleurs dans le monde !

En plus de nécessiter relativement peu d’énergie pour sa transformation, le bois, matériau directement issu de la captation du CO2 de l’atmosphère, va le séquestrer pour toute la durée de vie du bâtiment ! Plusieurs études approfondies, utilisant les méthodes d’analyse de cycle de vie et réalisées sur des bâtiments réels, ont permis de quantifier l’avantage du matériau bois par rapport aux autres matériaux utilisés en construction et issus de ressources non renouvelables, comme l’acier et le béton.

C’est pourquoi le gouvernement du Québec lançait en 2013 la Charte du bois. L’objectif était simple; contribuer à la lutte aux changements climatiques et stimuler la vitalité de l’économie locale en favorisant une utilisation accrue du bois dans la construction. Dévoilée il y a tout juste un an, la politique d’intégration du bois dans la construction s’inscrit dans la continuité de la Charte du bois. On y annonce une série de mesures permettant de favoriser l’utilisation du bois dans les projets de construction de bâtiments et d’ouvrages de génie civil dont une part du financement provient de fonds publics. L’option d’utiliser le bois comme matériau de structure principal doit être évaluée dès l’étape d’avant-projet. Lorsque l’utilisation du bois est possible, techniquement et économiquement, c’est l’option qui doit être privilégiée.

Ces premiers pas tracent la route vers la mise en place d’exigences d’empreinte carbone que devront un jour respecter les projets de construction financés par les deniers publics. Bien qu’on n’y soit pas encore, il est essentiel de préparer le terrain en fournissant des outils permettant aux ministères, organismes et partenaires impliqués dans la conception de ces bâtiments, d’évaluer le bilan carbone de leurs projets. Les méthodes d’analyse de cycle de vie, bien qu‘appropriées pour réaliser cet exercice, sont complexes et nécessitent une expertise considérable, rendant leur utilisation peu accessible. Afin de répondre à cet enjeu, l’équipe du Centre d’expertise sur la construction commerciale en bois (Cecobois) a mis la main à la pâte pour créer Gestimat.

Exemple d’une analyse réalisée à l’aide de Gestimat pour l’agrandissement d’une école secondaire. Source : Cecobois

Gestimat, c’est un outil développé spécifiquement pour le contexte québécois qui permet d’estimer les émissions de gaz à effet de serre liées à la fabrication des matériaux de structure inclus dans un projet de construction donné. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un outil d’analyse de cycle de vie à proprement parler, il facilite grandement l’analyse comparative de l’empreinte carbone attribuable au choix de matériaux dans le secteur du bâtiment. Lors des toutes premières étapes d’un projet, il est ainsi possible de comparer plusieurs scénarios, impliquant différents matériaux et systèmes constructifs, pour ensuite faire un choix éclairé.

Gestimat se démarque de la plupart des outils par la facilité avec laquelle il est possible de réaliser des analyses très tôt dans un projet. Par sa convivialité et son originalité, Gestimat gagne en intérêt tant dans le secteur public que privé, puisqu’il démocratise le processus d’analyse de l’empreinte environnementale des bâtiments. L’outil dévoile ainsi l’importance du choix des matériaux, qui a une incidence considérable sur la diminution des émissions de GES des bâtiments! 

– L’équipe Gestimat de Cecobois

L’avenir est brillant pour Gestimat, qui contribuera assurément à la réduction de l’empreinte carbone du secteur du bâtiment au Québec, mais aussi ailleurs au Canada. Preuve de l’intérêt de l’outil, il a déjà été adapté pour l’Ontario, et d’autres partenariats sont à prévoir ! Bien que pour l’instant, Gestimat ne considère que les matériaux utilisés dans la structure, l’outil est appelé à se développer. On vise notamment à y inclure, d’ici la fin de la prochaine année, les matériaux utilisés dans l’enveloppe du bâtiment, comme l’isolation et les parements extérieurs. Éventuellement, l’usage de l’outil pourrait aussi être étendu à d’autres types de construction où le bois a sa place. Pensons notamment à certains ouvrages de génie civil, comme les ponts en milieu forestier par exemple.

Pont forestier situé à la forêt Montmorency et composé d’arches en bois lamellé-collé.

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