Les changements climatiques sont bien réels. Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC vient appuyer une nouvelle fois l’ampleur du phénomène.
Le monde scientifique s’active à la fois à freiner l’augmentation de CO2 1, mais aussi à en limiter les impacts pour les communautés2. Face à ce constat, le Québec a des objectifs ambitieux pour faire face aux changements climatiques. Il vise la « carboneutralité » d’ici 2050. Pour les curieux, il est possible d’avoir un aperçu de ce qu’aura l’air notre climat dans le futur (températures, précipitations, etc.) grâce aux travaux de modélisation du consortium Ouranos.
Une bonne partie de nos vastes forêts québécoises sont aménagées de façon durable. Celles-ci pourraient faire de l’ensemble du secteur forestier un acteur majeur dans cette lutte contre les changements climatiques.
Quand on pense au rôle de la forêt dans la lutte contre les changements climatiques, on pense souvent en premier à la capacité de la végétation à croître et donc à accumuler de la biomasse3, grâce au processus de photosynthèse4. La croissance de la végétation implique en effet un transfert de carbone de l’atmosphère à la végétation, c’est ce que l’on nomme un flux de séquestration. Lors de leur croissance, les arbres absorbent du carbone et sont donc potentiellement un immense réservoir de carbone !
Il est important de bien comprendre que ce réservoir peut facilement se diviser en deux sous-réservoirs, le premier constitué de biomasse vivante et le second de biomasse morte. Car, si la photosynthèse est un flux de séquestration qui permet d’accroître le réservoir de biomasse vivante, la décomposition5 est un flux d’émission qui va rejeter le carbone du réservoir de biomasse morte vers l’atmosphère. Il est donc primordial de bien considérer ces deux réservoirs quand on parle de carbone forestier.
La somme de l’ensemble des flux de séquestration et d’émission de carbone d’une forêt se nomme le bilan carbone. Si ce dernier est négatif, la séquestration est supérieure aux émissions et donc le réservoir total de carbone de notre forêt est en augmentation.

Quand on parle du rôle du secteur forestier dans la lutte contre les changements climatiques, on ne parle pas uniquement de ce qui se passe en forêt! Et là encore, le Québec peut jouer un rôle important par le développement de produits du bois innovants à forte valeur ajoutée et soutenus par un aménagement durable des forêts.
La récolte de bois permet la fabrication de produits, du classique 2×4 aux poutres de bois lamellé-collé en passant par l’extraction de certaines molécules d’intérêt en chimie. Ce bois, une fois transformé, demeure un réservoir important de carbone. Il est donc important pour la conservation de ce stock de carbone de développer des produits du bois à longue durée de vie et qui pourront être facilement réutilisés (recyclage, chauffage, etc.) une fois leur fin de vie venue.
De plus, si on utilise des produits en bois en remplacement de matériaux tels que le béton ou l’acier, on réduit l’utilisation de matériaux à forte empreinte carbone par des matériaux issus d’une ressource durable. C’est le principe de substitution. On considère cela dans la comptabilisation carbone comme un flux de séquestration de carbone.
Ces trois éléments, la forêt, les produits du bois et l’effet de substitution sont des leviers d’action dans la lutte contre les changements climatiques.
En intégrant ces trois éléments, on peut déterminer le bilan carbone total du secteur forestier. Il nous faut donc conserver au mieux les réservoirs existants (biomasse vivante, biomasse morte, produits du bois, etc.) tout en dynamisant la croissance de la végétation et l’effet de substitution des produits du bois afin de maintenir un flux de séquestration de carbone de l’atmosphère vers notre secteur forestier.
L’enjeu est d’autant plus complexe que les changements climatiques vont venir perturber de manière graduelle les forêts et changer par la même occasion les pratiques d’aménagement. C’est là le rôle de la recherche; arriver à développer des stratégies d’adaptation et d’atténuation basées sur des études robustes portant sur l’ensemble des facettes de la forêt québécoise.
1 Atténuation (des changements climatiques) :
Intervention humaine visant à réduire les sources ou à renforcer les puits de gaz à effet de serre (GES) (Masson-Delmotte et al., 2018).
2 Adaptation :
Pour les systèmes humains, démarche d’ajustement au climat actuel ou attendu ainsi qu’à ses conséquences, de manière à en atténuer les effets préjudiciables et à en exploiter les effets bénéfiques. Pour les systèmes naturels, démarche d’ajustement au climat actuel ainsi qu’à ses conséquences; l’intervention humaine peut faciliter l’adaptation au climat attendue et à ses conséquences (Masson-Delmotte et al., 2018).
3 Biomasse :
Matière organique vivante, ou morte depuis peu (Masson-Delmotte et al., 2018). Masse totale de l’ensemble des êtres vivants occupant, à un moment donné, un milieu stable bien défini (Larousse, n.d.)
4 Photosynthèse :
Processus de fabrication de matière organique à partir du gaz carbonique de l’atmosphère et (cas principal) d’eau, utilisant la lumière solaire comme source d’énergie et produisant un dégagement d’oxygène (Larousse, n.d.).
5 Décomposition :
Transformation des substances organiques en molécules organiques plus simples, sous l’action des décomposeurs (Larousse, n.d.).